mardi 2 février 2016

Dead Set : la mini-série

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La première série de mon challenge 2016 est (déjà) derrière moi, et il s'agit, comme vous l'aurez sûrement deviné si vous êtes attentifs, de Dead Set.

Avant tout, si vous êtes loin d'être fans de Z-movies, oubliez direct. Parce qu'à côté de cette série, The Walking Dead c'est TRÈS propret. Genre immaculé. Dead Set, c'est la fête des tripes à l'air, de l'hémoglobine versée et des membres déchiquetés de ci de là. Mais commençons par le commencement.

Cette série date de 2008, et ne comporte qu'une saison. Si vous partez du principe que vous n'avez pas de temps à accorder à une nouvelle série, voilà mon argument majeur : c'est une mini-série, de cinq épisodes, dont le premier fait quarante-cinq minutes et les quatre autres vingt minutes chacun, résumé de l'épisode précédent compris. Alors me sortez pas l'argument du temps pour passer à côté de ce petit bijou britannique.
Elle est sortie du cerveau de Charlie Brooker -mais oui tu sais, le mec qui a fait Black Mirror. Si tu ne sais pas, sache que moi non plus, j'ai juste lu la page Wikipédia- et de Yann Demange (yeah, un français) à la réalisation, et a été diffusée sur E4, la chaîne anglaise qui a donné sa chance à d'excellentes séries comme Misfits. Et on peut apprécier l'audace de la chaîne puisque E4, qui consacrait à l'époque un important temps d'antenne à la télé-réalité, accepte de diffuser Dead Set, qui mélange le monde des Zombies et ... de la télé-réalité.

Ouais, rien que ça.


Niveau casting, aucun visage ne nous frappe d'entrée de jeu, les plus pointus d'entre vous reconnaîtront peut-être Chizzy Akudolu dans Les Monologues du Vagin, Warren Brown qui joue entre autres dans Luther ou Life on Mars, et Beth Cordingly qui est apparue dans Secret Diary of a Call Girl, mais dans l'ensemble, personne qui ne te fait sauter sur ta chaise en hurlant "OH PUTAIN JE L'AI VU DANS [insérer nom d'une série random]". Voilà pour les détails chiants, ceux qu'on peut trouver sur Wikipédia et qui n'éveillent jamais mon intérêt personnel. Entrons dans le vif du sujet.

Les survivants de la race Humaine. Ça fait rêver.
Loft Story. Secret Story. Les Anges de la Télé-Réalité. Toutes ces productions françaises qui reviennent chaque année avec leur étalage de mauvais goût ont leur équivalent britannique, connu sous un seul nom : Big Brother. Et c'est justement dans ce programme télévisé que Dead Set prend place. En effet, le pilote nous lance sur un soir de prime (si j'ai besoin de t'expliquer ce qu'est un prime, c'est que tu n'as pas eu la télé entre 2000 et 2010...) : le public en furie scande le nom de ses candidats préférés, se regroupe devant les studios de la maison dans laquelle sont encore enfermés sept participants. À l’intérieur des murs, l'équipe de tournage au grand complet est en effusion : producteur irascible, présentatrice (campée par la VÉRITABLE présentatrice de Big Brother, Davina McCall) en séance de maquillage, assistante traitée comme un chien... tout y est pour la grande première. Sauf qu'une apocalypse zombie est en cours, et vous comprendrez bien que la véritable originalité de la série ne se situe clairement pas là. On connait la chanson : le patient zéro contamine les autres, qui contaminent les autres... y compris le public, l'équipe de production, les télés cessant d'émettre les unes après les autres, jusqu'à ce que tout le monde soit atteint. Tout le monde, sauf les six candidats isolés dans la maison, qui n'ont même pas conscience de ce qui s'est passé. 

Comme c'est un format court, vous vous douterez bien que la portée psychologique du sujet n'est pas traitée en profondeur, mais on assiste aux prémices de la thématique des travers de la société abordés dans la série Black Mirror : visiblement, c'est un sujet qui tient à cœur à Charlie Brooker. Ici, au delà de la tuerie inhérente à toute série de zombie et à l'humour grinçant et délicieusement vulgaire, on ne peut s'empêcher de sentir le parallèle entre les zombies mangeurs de chair et les zombies hypnotisés par la télévision. D'ailleurs une des scènes finales montre les zombies parcourant un centre commercial, hypnotisés par l'éclat des télé. Plusieurs fois au fil des cinq épisodes, on remarque un parallèle évident : les zombies qui se massent autour de la maison ressemblent au public qui l'entouraient au tout début de la saison. Les participants, livrés à la vindicte virtuelle du public qui les élimine, sont des proies, le programme un objet de consommation... tous ces mots sont utilisables dans les deux sens du terme : le télévisuel et l'anthropophage. C'est à mon sens ce parti pris qui fait que cette série tire son épingle du jeu.

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Avouez que ça donne une vague idée du niveau intellectuel des candidats.
Le format court est bien vu sur un certain nombre de points dont celui -non négligeable- de ne pas avoir de longueurs, mais s'il est bien un point sur lequel le format dessert la série, c'est sur la profondeur des personnages. 
Les habitants de la maison sont caricaturaux à l'extrême (le gay excentrique aux tenues improbables, le quadra qui se pense supérieur intellectuellement, la blonde demeurée sur les bords, le copain jaloux et irrespectueux...), mais ils ressemblent finalement assez à ce qu'on peut voir dans un épisode des Ch'tis, et leurs réactions sont crédibles, la plupart du temps, déni et hystérie en tête de liste. C'est à dire qu'ils provoquent peu d'empathie (à l'exception de Space, le seul habitant pourvu d'un cerveau en état de marche), et qu'ils nous offrent une formidable débauche de nombrilisme jusqu'à ce que la situation leur parvienne enfin dans la caboche, l'apogée du WTF étant atteinte quand leur première réaction est "alors plus personne ne nous regarde?". Cependant, ils ne sont pas les seuls à générer notre mépris, car ce qui reste de l'équipe de production est pire encore. Dans le pilote on découvre des gens plus vils que la catégorie précédente, ceux qui exploitent la bêtise humaine : montages, lâcheté et coups dans le dos sont le pain quotidien de l'équipe de tournage menée par le producteur, Patrick, un déchet sans nom. Si les candidats réussissent tous à attirer notre indulgence à un moment ou un autre de la série, Patrick, lui, reste un fumier du début à la fin, en parfaite personnification de l'égoïsme avec un grand E. Son comportement d'enfoiré en fait un ressort comique glauque qui contraste avec l'hystérie paniquée des autres protagonistes en particulier lors de situations grand-guignolesques, bref on adore le détester.
Mais pas de série sans personnage principal, et il s'agit de Kelly, la seule qui garde les pieds sur terre (après une grosse crise de nerfs, mais qui ne l'aurait pas fait à sa place) : il s'agit d'une des nombreuses assistantes de production maltraitées de Patrick, et de l'une des premières à noter que les choses prennent un tour étrange. Après avoir réussi à s'enfermer dans la maison avec les autres candidats, il lui faudra abattre un zombie devant ceux-ci pour qu'ils la croient enfin, et dès lors, elle fait office de chef de la bande, ce qui est un soulagement quand on voit les décisions hasardeuses que les autres prennent dès qu'ils sont livrés à eux-même plus d'une minute.

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Désolée meuf mais tu vas devoir prendre les choses en main...
Niveau visuel, c'est là que le bât blesse, et c'est à mon sens le plus gros souci de cette série. La série est très sombre, avec des plans extérieurs aux contrastes peu marqués et des couleurs dessaturées : c'est une bonne chose, qui met en relief les décors très colorés de la maison, dans une excellente coupure entre l'univers préfabriqué pour les candidats et le monde réel. C'est pas là que j'ai quelque chose à dire. Le truc qui me gêne, que je ne supporte pas et qui rend le visionnage de Dead Set insupportable (ça fait deux si on a du mal avec le gore), c'est cette PUTAIN DE CAMERA EMBARQUÉE. Si vous avez vu des films du genre REC ou Cloverfield, vous savez déjà de quoi je parle. Cet effet est très efficace quand on veut donner un côté réaliste au sujet, ce qui est en adéquation avec les autres choix esthétiques et scénaristiques. Qu'on en mette de temps en temps, en particulier quand un personnage est aux prises avec un zombie, ok, je veux bien. MAIS LA IL Y EN A TOUT LE TEMPS. Parfois même quand son usage n'est absolument pas justifié. Je pense que c'est un abus de Yann Demange, parce que parfois on ne comprend rien à l'action, voire même la nausée nous prend. J'imagine que c'était le moyen le plus habile de masquer le budget faiblard débloqué pour la série, en plus de sa pertinence émotionnelle (effectivement quand on regarde par dessus son épaule en tapant un sprint suivi par des zombies, ça ressemble pas mal à ce qu'on voit à l'écran, donc ça renforce l'impression de malaise et de danger), mais là, franchement, c'est de l'abus et ça devient contre-productif.
Quant au rythme, dont je parlais un petit peu plus haut, il ne faiblit jamais. En fait Dead Set ressemble plutôt à un très-long-métrage qu'à une mini-série : elle a une histoire  (certes pas originale mais crédible) à raconter, et ne fait pas dans les fioritures. On oublie tous les clichés qui envahissent les séries américaines depuis les histoires d'amour qui empiètent sur l'intrigue aux discours-fleuve chargés de bonnes intentions et de leçons de vie chaque fois qu'un protagoniste décède : on reste dans le simple-mais-efficace. Et ça, c'est un bon point, mesdames messieurs.

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Salut, Gueule d'Amour.
Venons-en à un autre point qui, en tant que Zombie Groupie, me chiffonne. Le zombie est sensé voir son corps se décomposer. Sa peau devient flasque, ses muscles se délitent, bref un zombie ne peut. pas. courir. JAMAIS. Un zombie qui court, ça n'existe pas. Dans 28 Jours Plus Tard ou dans Army of The Dead, ce ne sont pas des zombies mais des infectés (par un organisme parasite ou une maladie proche de la rage, que sais-je encore) et c'est pour ça qu'ils peuvent faire passer Usain Bolt pour un petit joueur : parce que leur système biologique est encore fonctionnel. Mais dans Dead Set, les Zombies font partie de la catégorie des runners, et c'est un truc qui m'a fait hurler au visionnage de chaque épisode. Et pas de peur. Niveau comportemental, on est loin du zombie léthargique de The Walking Dead ou Day Z (keur sur cette série qui ne se prend pas au sérieux du tout) : là il est prêt à harceler des survivants coincés dans un bureau en tapant à la porte de manière furax plusieurs heures d'affilée, à taper un sprint derrière une camionnette sur plusieurs kilomètres, mais ne sait visiblement pas se relever quand on le balance à l'eau (??). Dieu merci, ils n'ont pas intégré le concept de zombie intelligent (comme dans Land of The Dead de Romero), parce que sinon ils ne seraient plus que des cannibales furax, en fait.
Faut avouer que niveau effets spéciaux, le budget a été bien dépensé. Les zombies sont dégueulasses, le sang est convainquant, et certaines scènes d'éviscération sont PLUS QUE RÉALISTES. Enfin, je suppose, je dois avouer que je n'ai encore jamais assisté à la moindre éviscération. Le gros-plan n'épargne rien au spectateur : on a l'impression d'être dedans, et c'est pas pour me déplaire. Les hommages à Romero sont nombreux et décelables par tout fan d'horreur zombiesque, mais ne sont jamais envahissants, on n'est pas dans la série-hommage de bout en bout, on sent juste que le réalisateur a tenu à faire un petit clin d’œil. La palme de la bonne idée va à la fin, dont je ne parlerai pas ici pour des raisons évidentes, mais là encore je la préfère à bien des séries sur le sujet. Non parce que les fins ouvertes, moi, ça me gonfle un peu.

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De quoi écraser ton record sur Runtastics

Pour un projet télé au budget léger, Dead Set est efficace, avec un mélange d'horreur et d'humour décalé typique des séries anglaises, et pour moi c'est un combo qui marche.
Evidemment, ce n'est pas la série du siècle, mais j'aime l'amorce de satyre qui élève Dead Set au dessus du type "gore pour du gore". Les codes du genre sont omniprésents et délivrés avec efficacité, l'humour est aussi noir que possible, avec ma séquence favorite : Patrick (a.k.a le producteur un peu fdp sur les bords) découpant le cadavre zombifié d'un ancien candidat en se plaignant que les autres participants sont des monstres d'égoïsme parce qu'ils ne l'aident pas à démembrer leur petit camarade. Totalement quelque chose que j'aurais pu faire In Real Life.

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Je me suis plus qu'étalée sur le sujet, je vous invite vivement à découvrir le reste par vous-même, et n'hésitez pas à me donner votre avis dans les commentaires, mais avant de vous lancer, ne perdez pas de vue que cette série n'est pas un chef-d'oeuvre, juste une réalisation sans prétention qui a réussi à être efficace et unique.


2 commentaires:

  1. J'ai vu cette série il y a longtemps (très longtemps). Je ne m'en rappelle plus trop mais je me souviens surtout d'une chose : l'épisode 1 m'avait vraiment mis en appétit, la mise en place du truc (avec le studio, les mecs qui auto-kiffent leur reflet, le p'tit jeune qui manque de bouffer son crush) m'avait marquée, vraiment. Et puis après, ça retombe un peu comme un soufflé.
    Bien entendu, ça n'en est pas mauvais, hein (et d'ailleurs, tu détailles ça beaucoup mieux que moi dans tout ton article)(long mais très intéressant, je l'ai lu en entier, j'me permets de le préciser, ahah), et puis y'a deux-trois scènes priceless (dont celle du démembrement solitaire d'un ex-candidat).
    Mais il manque un p'tit truc. C'est difficile d'expliquer lequel. Peut-être une espèce "d'âme" propre à la série. Les personnages n'ayant aucune saveur ou forme d'identité, c'est difficile de voir plus loin que ce qu'on nous montre. Seulement deux personnages crédibles, c'est trop peu.

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  2. Bon, alors si en plus d'être court, c'est en partie créé par Charlie Brooker, je vais m'y attarder un peu ! Je reviendrais mettre un petit commentaire après avoir effectué mon visionnage.

    Sinon, sur la différence entre zombies et infestés, dans IZombie, ce serait plutôt des infectés non ?

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